Interview #Greentober – Caroline Martinand, CEO du studio Souris-Lab

Par Théo Vignon

A l’occasion du #GREENTOBER, notre mois thématique dédié à la sensibilisation de la filière du jeu vidéo à la problématique de l’impact carbone, nous avons eu le plaisir de poser nos questions à Caroline Martinand, CEO et Directrice Artistique du studio oyonnaxien Souris-Lab afin d’en savoir plus sur les enjeux environnementaux des studios de jeu vidéo.

Peux-tu présenter ton studio et ce que vous faites ?

Caroline Martinand : Souris-Lab c’est avant tout un studio de jeu vidéo mais aussi un studio de création graphique et communication. J’ai créé ce studio pour pouvoir faire des jeux dits “positifs”. On a commencé avec A Tale Of Synapse : The Chaos Theories, un jeu sur les maths, surtout pour ouvrir l’esprit des joueurs aux mathématiques et exploiter leur logique.

Caroline Martinand : Je fais équipe avec Sonny Bounouar et Frédéric Bollé (De gauche à droite sur la photo). Sonny gère toute la partie studio de communication et s’occupe de nos réseaux sociaux, notamment lorsque l’on fait un lancement de jeu. Frédéric est Business Developer Consultant pour le studio. Pour ma part, je suis en charge de toute la partie jeu vidéo du studio.

C’est quoi pour toi l’impact carbone ?

Caroline Martinand : Je ne suis pas vraiment experte sur le sujet. Au niveau du jeu vidéo, quand on fait des demandes de financements BPI France, on nous demande ce qu’on met en place pour réduire notre impact carbone. J’estime que nous ne sommes pas assez informés. On croit souvent que le numérique à un moindre impact comparé aux autres industries, alors que ce n’est pas vraiment le cas. Aujourd’hui je ne pourrais pas dire quel est l’impact carbone de mon studio et encore moins quelles sont les solutions pour le réduire.

As-tu mis en place au sein de ton studio, des démarches écologiques et/ou des bonnes pratiques responsables ?

Caroline Martinand : Oui car l’environnement est un sujet qui me touche énormément, c’est pour cette raison que les jeux que l’on développe abordent cette thématique. Nous faisons également attention à l’environnement dans notre manière de gérer notre studio. Nous faisons le tri des déchets avec des poubelles spécifiques pour le plastique, le papier et le verre. Nous sensibilisons énormément nos salariés dès leur arrivée au studio. Nous en discutons avec eux, nous échangeons sans jamais imposer.

Quel est ton prochain jeu ?

Caroline Martinand : Aujourd’hui on se lance sur un deuxième jeu qui s’appelle Kohana et qui est très axé sur la sensibilisation à l’environnement qui nous entoure et sa fragilité. 

C’est un jeu d’aventure et de survie situé dans le monde glacial et dans lequel on est amené à faire des choix qui auront un impact direct sur la faune et la flore. Par exemple, décidons-nous de tuer cet animal et soutenir les braconniers ou décidons-nous plutôt de les affronter ? 

Le jeu laisse vraiment le choix au joueur parce qu’on ne veut pas imposer un comportement. Nous faisons vraiment  découvrir le monde glacial dans sa forme la plus poétique et fragile afin de sensibiliser le joueur. Ce sont des paysages dont on parle souvent, notamment avec le problème de fonte des glaces mais peu de personnes ont eu la chance d’aller en Arctique pour voir réellement ce qu’il se passe. L’idée est vraiment de sensibiliser aux répercussions de nos actes.

Concept Art de Kohana, le prochain jeu du studio Souris-Lab, actuellement en phase de prototypage. 

Penses-tu que les jeux vidéo devraient davantage aborder ces thématiques écologiques ?

Caroline Martinand : Oui, j’estime que cela manque dans le jeu vidéo. Chaque année, il y a des supers jeux qui sortent et qui sont récompensés mais qui ne sont pas du tout des jeux positifs. Je ne critique pas ces jeux car ils sont très divertissants et je suis moi-même joueuse. Cependant, je pense que les joueurs manquent d’accès aux jeux positifs. Il n’y en a pas encore assez et peu de studios sont spécialisés. Mais les plus gros studios savent que les jeux positifs sont l’avenir du jeu vidéo, par exemple Ubisoft est devenu partenaire de polytechniques pour faire ce genre de jeux dits positifs. L’enjeu est de sensibiliser les jeunes générations en utilisant les jeux vidéo qui peuvent vraiment être utilisés comme une vraie arme écologique de nos jours.

Qu’est-ce qu’il manque aujourd’hui à l’industrie du jeu vidéo pour entreprendre un tournant écologique ?

Caroline Martinand : Comme je le disais plutôt, il y a un réel manque d’information au sein de la filière du jeu vidéo. On ne sait pas réellement quel est l’impact carbone du jeu vidéo. On dit souvent que le fait de dématérialiser les jeux permet de réduire les émissions carbones dûes à l’importation des matériaux, le transport des jeux et leur commercialisation, mais la dématérialisation et les serveurs polluent tout autant. Chez Souris-lab nous faisons pour l’instant des jeux physiques et jouables uniquement en local, mais nous ne savons pas l’impact environnemental qu’auraient nos prochains jeux si on décidait de faire des modes multijoueurs par exemple.

Je pense que les instances telles que BPI France devraient imposer comme critère de sélection la prise en compte de la réduction carbone. Là où pour l’instant c’est juste une question posée lorsque l’on demande des financements. 

J’ai eu la chance d’être financé par BPI France parce que mon jeu (A Tale Of Synapse) a un impact positif sur l’éducation. S’il y avait un critère écologique, cela obligerait les studios à se mettre aux normes. Mais pour l’instant ces normes ne sont pas inscrites, ni pour le jeu vidéo, ni pour le numérique plus largement.

A Tale of Synapse : The Chaos Theory est disponible sur PC et Nintendo Switch depuis le 30 juin 2021. 

Qu’est-ce que tu dirais à un confrère du jeu vidéo qui n’a pas conscience de l’impact écologique de notre filière ?

Caroline Martinand : Je lui dirais qu’il faut en parler avec d’autres studios, nous devons vraiment nous informer plus et nous réunir pour trouver des solutions ensemble. 

Pour finir, je dirais surtout que l’exemple doit venir des gros studios car ce sont eux qui rejettent le plus d’émissions carbone, c’est comme pour les autres industries. Si demain un gros studio fait un communiqué de presse pour dire comment il compte réduire ses émissions carbones, nous pouvons être sûr que tout le monde lira ce communiqué et que cela incitera les autres studios à réduire eux aussi leur impact.

Un grand merci à Caroline Martinand pour sa disponibilité, rendez-vous la semaine prochaine pour une nouvelle interview #Greentober inédite d’un studio de développement en Auvergne-Rhône-Alpes… 👀